Dette, monnaies chancelantes, chocs financiers, désastres écologiques, révolution démographique, bulles financières, intelligence artificielle, guerres, mondialisation en crise, stagflation : tel est le mélange toxique pour Roubini, prêt à exploser dans “La Grande Catastrophe” (qui n’est pas par hasard le titre de son dernier livre). Reprenant les termes de l’interview, l’accent a cependant été mis sur les 3 menaces qui pèsent sur l’économie et qui pourraient mettre le monde à genoux. Et qui lancent un appel à la prévoyance et à la sagesse aux hommes politiques de la planète.
1. De l’Ukraine à l’Iran en passant par Taïwan : les conflits géopolitiques à venir
Les tensions géopolitiques sont plus fortes que jamais. Roubini l’explique en rappelant qu’il y a à peine un mois, Kissinger écrivait qu’une troisième guerre mondiale pourrait éclater. Il ne faut pas s’imaginer que nous ne sommes pas impliqués parce qu’il n’y a pas d’OTAN. Même si l’organisation n’est pas officiellement sur le terrain, elle est impliquée dans le renseignement et soutient les Ukrainiens.
L’économiste estime que la destruction de la Russie et la chute de Poutine n’amèneraient pas au pouvoir un réformateur comme Navalny, le dissident et militant contre le régime de Poutine. Au contraire, la Russie pourrait être dirigée par un homme encore plus à droite et militariste, qui n’aurait aucun scrupule à utiliser des armes non conventionnelles.
Les dangers pour le monde de plonger dans des conflits de plus en plus dramatiques sont nombreux, à commencer par la situation en Ukraine et à s’étendre à d’autres régions. Actuellement, rappelle Roubini, Israël réalise de plus en plus que son ennemi historique, l’Iran, “est sur le point de devenir une puissance nucléaire et devra décider s’il faut attaquer l’Iran ou non”. Entre-temps, la guerre au Moyen-Orient a éclaté pour de bon, de manière brutale et inquiétante.
En Asie, la guerre froide entre les États-Unis et la Chine s’intensifie. Selon de hauts fonctionnaires américains, un véritable conflit entre la Chine et les États-Unis au sujet de Taïwan pourrait éclater dans les deux ou trois prochaines années.
En conclusion, l’économiste souligne que : “la situation géopolitique actuelle pourrait déboucher sur une véritable guerre entre grandes puissances disposant toutes de l’arme nucléaire. Cette guerre, si elle devait éclater, pourrait donc devenir très rapidement non conventionnelle”.
2. Le vieillissement de la population pèsera sur l’économie
Parmi les dynamiques économiques et sociales à ne pas sous-estimer en raison de l’effet potentiel sur les caisses de l’État et l’équilibre des comptes publics, il y a le vieillissement de la population.
Nouriel Roubini est clair à cet égard : ce phénomène démographique “est un problème très sérieux. Tout d’abord parce qu’il entraîne une baisse de la croissance économique potentielle et que la dette accumulée par les gouvernements devient moins soutenable. Le vieillissement implique également de nombreuses obligations pour le secteur public, qui doit payer les services de soins aux personnes âgées, les pensions, les soins médicaux financés par les impôts payés par les plus jeunes”.
Comment compenser cette dangereuse tendance ? À une certaine époque, rappelle Nouriel Roubini, l’immigration a joué un rôle en apportant de nouvelles ressources pour créer des emplois et de la richesse. Mais aujourd’hui, “pour un certain nombre de raisons économiques, sociales et culturelles, il y a une certaine hostilité à l’égard de l’immigration”.
3. L’immigration va augmenter en Europe
L’Europe a été interpellée par l’économiste sur le sujet brûlant et non résolu de l’immigration. Le point de vue de Nouriel Roubini est explicite : Il existe en Europe une idée fausse selon laquelle “les immigrés venant de l’extérieur de l’UE viennent voler les emplois, les opportunités et les services de la population locale”.
La vérité, en revanche, est que “le nombre de migrants économiques va exploser dans les décennies à venir en raison du changement climatique et constituera un problème majeur pour l’Europe elle-même, car certaines des régions les plus chaudes et les plus sèches du monde qui deviendront invivables seront l’Afrique subsaharienne et le Moyen-Orient”, a ajouté M. Roubini.
Jusqu’à présent, l’Europe n’a pas fait grand-chose, “si ce n’est essayer de soudoyer la Turquie, la Libye et l’Égypte pour qu’elles gardent les migrants et ne les laissent pas venir”. Selon M. Roubini, il est évident que le problème sera encore plus complexe dans les années à venir. En fin de compte, selon la prophétie de l’économiste, les polarisations géopolitiques, le vieillissement de la population et l’incapacité à gérer les migrants par des politiques clairvoyantes seront les prochaines bombes prêtes à exploser.