Un autre exemple tout aussi significatif de Nvidia et de la grande fièvre irrépressible de l’IA, bien qu’à une échelle modeste, puisqu’il ne fait rien spécifiquement pour l’IA, est Dell, qui fabrique des ordinateurs de manière générique : en quelques jours, sa valeur a augmenté de 30 % en croyant que la diffusion de la nouvelle technologie de l’IA entraînera une croissance énorme des ventes d’ordinateurs.
La véritable inconnue pour l’humanité
Si ce n’est pas de la folie, ce n’est pas loin. Il y a un peu plus d’un an et demi, Nvidia était capitalisée 600 milliards de dollars. Et personne aujourd’hui, pas même l’analyste le plus expérimenté, ne peut prédire quelles seront, au-delà de ChatGPT, si elle entre en bourse, les entreprises du secteur technologique qui non seulement survivront mais seront structurellement avantagées par l’impact réel (s’il est vraiment réel) de l’IA.
Il ne fait aucun doute, que le tournant est tout proche et qu’il est pour l’instant impossible de dire combien de bien et combien de mal il fera à l’humanité dans son ensemble. Aussi parce que ceux qui ont le pouvoir de légiférer et de contrôler ne restent pas inactifs.
En effet, mercredi 13 mars, l’Union européenne a adopté la première véritable loi sur l’IA au monde ; pourtant, aucune entreprise en Europe n’est aussi avancée dans l’utilisation de l’IA que les États-Unis ou même la Chine.
Que le vieux continent ait plus de sagesse que le reste du monde ? Ce n’est pas improbable non plus car n’ayant pas des réalisations aussi avancées qu’aux Etats-Unis, le Parlement européen a eu l’intelligence et la sensibilité de mettre les mains en avant : le règlement sur l’IA a été approuvé avec 523 voix pour et seulement 46 contre (il serait intéressant de les connaître une à une) et 49 abstentions (probablement sur le principe de ne pas savoir lire ou écrire sur l’IA).
L’Europe régule
En réalité, l’Europe, défaillante sur tant de choses et dans tant de domaines, avait déjà réalisé une performance similaire en adoptant avant tout le monde le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD). Cette première a dû agir comme un déclencheur pour dire : mince, on va montrer les maîtres de l’IA.
Par paradoxe, une chose a certainement fonctionné : en Europe, il n’y a pas d’opérateur d’IA qui soit une excellence absolue et il était donc certainement plus facile de mettre en place des règles, car il n’y avait même pas de lobby à vaincre. Cependant, on ne peut pas ignorer que le vieux continent a plus de sagesse et ce n’est pas un hasard s’il s’appelle aussi le Vieux Continent.
La leçon du passé
Pour se faire une idée de ce qui pourrait arriver, on peut s’inspirer du passé. Revenons par exemple aux années 1990, lorsque l’utilisation des ordinateurs a été poussée pour la première fois par Microsoft, qui est aussi le principal actionnaire de ChatGpt. Cette poussée a donné naissance au système d’exploitation Windows, qui s’est répandu parce que Microsoft lui-même a favorisé la production des puces Intel nécessaires à l’utilisation des systèmes d’exploitation dans les ordinateurs personnels. C’est ainsi que Microsoft est devenu le leader absolu de l’industrie des ordinateurs personnels, tout comme Intel est devenu le leader de l’industrie des processeurs, capturant ensemble plus de la moitié des bénéfices de l’industrie.
La force des règles édictées par l’Europe sera testée par ceux (et Microsoft en fait partie) qui sont déjà les leaders directs ou indirects de l’intelligence artificielle. Tout cela me rend moins enthousiaste à l’idée que l’Europe soit la première entité politique démocratique à légiférer sur l’IA. C’est certainement un signe de civilisation. Mais quelqu’un doute-t-il que l’application de ces règles sera vraiment difficile, étant donné que les protagonistes ne sont pas européens ? Peut-être (ou plus que peut-être) que pour protéger les citoyens, l’Europe doit elle aussi devenir un leader en matière d’IA…