La BCE s’apprête à lancer sa première baisse de taux depuis septembre 2019, lorsque Mario Draghi était à la tête de la banque centrale. À l’époque, le taux de dépôt avait été abaissé de -0,40 à -0,50 %. Or, la BCE est arrivée au terme des hausses (de -0,50 % à 4 % entre juillet 2022 et septembre 2023) et prépare la descente. La baisse du 6 juin est considérée comme certaine par les marchés. Même les faucons du conseil d’administration ont donné leur accord. La trajectoire ultérieure est en revanche incertaine.

Par conséquent, la principale raison de s’intéresser à la conférence de presse de Christine Lagarde, présidente de la BCE, concerne les signaux possibles pour les mois à venir. Les nouvelles projections d’inflation et de croissance pourraient également donner des indications : les économistes supposent une légère révision à la hausse des données, mais pas au point de modifier l’image des réunions précédentes de la BCE.

La discussion au sein du conseil de la BCE

Les banquiers centraux allemands du conseil des gouverneurs, Joachim Nagel et Isabel Schnabel, sont opposés à une double réduction consécutive et préconisent donc une pause en juillet. Le gouverneur néerlandais Klaas Knot a exprimé sa préférence pour des réductions trimestrielles, c’est-à-dire lors des réunions où les projections macroéconomiques sont mises à jour (juin, septembre et décembre).

D’autres gouverneurs ne veulent exclure aucune hypothèse pour juillet, pas même celle d’une baisse. « Pourquoi ne baisserions-nous les taux qu’une fois par trimestre, si nous décidons réunion par réunion et que nous sommes dépendants des données ? », a souligné le gouverneur français François Villeroy de Galhau. « Je ne dis pas qu’il faut déjà s’engager sur le mois de juillet, mais nous gardons une liberté sur le calendrier et le rythme de la baisse.»

Les attentes des marchés

Il est donc peu probable que Mme Lagarde donne des indications précises pour le mois de juillet. Tout au plus, selon certains analystes, la présidente de la BCE pourrait-elle recourir à une formule similaire à celle utilisée ces derniers mois, en disant que lors des réunions trimestrielles, la banque centrale peut décider sur la base de plus de données (grâce à des projections). Mais il est encore très difficile de s’engager sur les mois à venir.

La probabilité d’une baisse même en juillet est considérée comme faible (10 %) par les marchés monétaires, qui s’attendent globalement à deux ou trois baisses cette année. La majorité des économistes s’attendent à trois baisses en 2024, avec un point d’arrivée entre 2 % et 2,5 % l’année prochaine.

Le scénario macroéconomique

L’inflation dans la zone euro est passée de 2,4 % en avril à 2,6 % en mai. Le retour de l’inflation à 2 % fluctuera, comme le prévoient les banques centrales et les économistes de marché, mais n’est pas remis en question. L’accélération des salaires (+4,7 % au premier trimestre 2024, contre +4,5 % au quatrième trimestre 2023) est également due principalement à des salaires exceptionnels en Allemagne. On s’attend à ce que les salaires ralentissent. Le président de la Bundesbank, M. Nagel, est également resté discret sur ce point.

La croissance du PIB dans la zone euro a été légèrement plus élevée que prévu au premier trimestre de l’année (+0,3 %).  Il n’est pas certain qu’une reprise économique plus forte se traduise par une hausse de l’inflation : au contraire, elle pourrait contribuer à une augmentation de la productivité et à une baisse des coûts unitaires de main-d’œuvre.

La divergence avec la FED

La BCE interviendra demain, jeudi 6 juin, avant la FED, qui devrait reporter sa réduction de taux ce mois-ci. La divergence sur les taux n’a pas été un phénomène fréquent dans le passé, mais à ce stade, elle est justifiée par une tendance économique différente. Aux États-Unis, le PIB a augmenté davantage et l’inflation revient plus lentement à 2 %.

Certains observateurs de la zone euro ont exprimé la crainte d’une dépréciation de l’euro qui pourrait générer des pressions inflationnistes. Ils soulignent que leurs craintes pourraient être « contrebalancées » par l’impact négatif que le resserrement de la politique monétaire américaine aurait sur la demande et les taux mondiaux.

Par conséquent, les décisions de la Fed seront « un élément à prendre en compte », mais « pas une contrainte » pour la BCE. En outre, ont-t-ils noté, « une action opportune et graduelle permettra de contenir la volatilité macroéconomique, contrairement à une action tardive et précipitée ».