La présidente de la BCE, Christine Lagarde, a de nouveau donné des indications sur le calendrier des interventions sur les taux, signalant une baisse “probable” au cours de l’été. Lagarde ne respecte donc pas la “dépendance à l’égard des données” que la banque centrale dit vouloir suivre. Dans un environnement très incertain, le conseil d’administration de la BCE a officiellement décidé d’abandonner l’orientation future des taux.

Au lieu de cela, Francfort a clairement indiqué que chaque mouvement devait être guidé par les évolutions économiques (d’où la “dépendance aux données”). Or, c’est souvent le contraire qui se produit. Les responsables de la BCE annoncent des mesures sans savoir comment les perspectives d’inflation vont évoluer.

Lagarde déraille sur les taux

Aujourd’hui, personne ne peut prédire ce que diront les projections de mars et de juin de la BCE. Pourtant, Mme Lagarde a déjà indiqué une baisse des taux d’intérêts à l’été. En violant la dépendance à l’égard des données, la BCE se lie les mains au lieu de rester flexible. Si l’économie n’évolue pas comme prévu, Francfort risque de perdre sa crédibilité ou de devoir poursuivre une stratégie qui n’est plus correcte. Il est déjà arrivé que la BCE se retrouve dans cette cage.

À ce stade, l’objectif principal de Mme Lagarde et des autres gouverneurs est d’anticiper davantage les attentes du marché quant à la première réduction.

Avant les discours du président et des autres responsables de la BCE, les marchés avaient prédit une baisse des taux en mars parce qu’ils avaient observé la forte désinflation en cours et les risques croissants pour l’économie européenne, qui se rapproche de la récession. Les marchés ont ainsi montré qu’ils étaient plus “dépendants des données” que la BCE.

L’incertitude du scénario macro

Il est impossible de savoir aujourd’hui si les opérateurs auront finalement raison d’être plus optimistes sur l’inflation et plus pessimistes sur la croissance. Mais justement, seules les données économiques à venir pourront le dire. S’engager à l’avance peut être contre-productif. En particulier, il n’est pas possible de prédire à l’heure actuelle si et quel impact les événements au Moyen-Orient auront sur l’inflation.

De même, l’évolution des salaires, des prix de l’énergie, des mesures gouvernementales et de la transmission de la politique monétaire par le biais du crédit est inconnue. L’ampleur du ralentissement économique et de l’éventuelle récession reste également à déterminer. En fonction de ces variables, il pourrait y avoir une hausse de l’inflation ou une baisse bien en dessous de l’objectif de 2 % (BofA prévoit une inflation de 1,4 % l’année prochaine). Malgré tout, certains banquiers centraux indiquent déjà aux marchés le calendrier de la baisse des taux.

Joachim Nagel, président de la Bundesbank, a déclaré que la discussion sur la baisse devrait commencer “pendant les vacances d’été”. D’autres gouverneurs, dont le Lituanien Simkus et le Slovène Vasle, ont exclu une baisse au deuxième trimestre. Mais surtout, Mme Lagarde, répondant au forum de Davos à une question sur la majorité des banquiers centraux qui souhaiteraient une réduction au cours de l’été, a déclaré : “C’est probable, mais je dois faire preuve de réserve car nous dépendons des données”. Si elle l’était vraiment, Lagarde aurait évité toute indication.

Les risques de la communication de la BCE

Les marchés et les analystes ont réagi en conséquence : Lorsque le président de la BCE dit quelque chose comme cela, c’est comme un pré-engagement. Certains économistes notent qu’une réduction serait appropriée en mars, mais la politique hawkish poussera la BCE à retarder le mouvement au moins jusqu’en juin, même au prix d’un fardeau inutile pour l’économie. En attendant de voir comment les données macroéconomiques vont évoluer, la communication de la BCE semble contradictoire et risque de compliquer la réalisation de l’objectif d’inflation.