Des premières fissures à l’effondrement
Au début de l’année 2023, plusieurs chocs ont déjà frappé le système bancaire international. Début mars, la Silicon Valley Bank s’est effondrée par surprise après une mise en faillite très rapide, ouvrant la plus grande faillite bancaire aux États-Unis depuis la crise de 2008. D’autres établissements de taille moyenne sont entrés en apnée, mais peu de banquiers s’attendaient à ce que l’instabilité se propage rapidement à l’Europe. Du moins jusqu’au 15 mars, date à laquelle le Credit Suisse s’est retrouvé dans le collimateur des marchés, entamant une spirale qui allait l’amener au bord de l’effondrement en quelques jours.
Depuis des années, le marché ne percevait plus le groupe zurichois comme une banque sans risque. Frappée par de nombreux scandales, l’institution avait subi une grave crise de réputation et de lourdes pertes de clients. Mais personne ne s’attendait à ce qu’elle soit si proche du défaut de paiement.
Les étapes de la crise
Les cinq jours de l’effondrement resteront dans les mémoires, rappelant les options frénétiquement explorées par le gouvernement : nationalisation, liquidation ordonnée et, en fin de compte, mariage avec son rival de longue date, UBS.
C’est cette dernière solution qui a été annoncée au monde entier lors d’une conférence de presse le dimanche 19 mars, en même temps qu’une annulation de 16 milliards d’euros supplémentaires d’obligations de niveau 1, unique dans l’histoire des marchés financiers. “Le compte à rebours s’arrête, la bombe n’explose pas. Les marchés asiatiques peuvent s’ouvrir, impassibles”, écrit Laurène Bourgeois, journalise financière ayant suivie de près l’affaire.
L’intervention controversée d’Ubs n’a toutefois pas dissipé immédiatement les nuages du système financier international. Aux États-Unis, d’autres banques de taille moyenne ont fait faillite, comme First Republic, qui a ensuite été rachetée par JP Morgan. En Europe, d’autres institutions se seraient retrouvées dans le collimateur de la spéculation, à commencer par l’allemande Deutsche Bank, qui s’est effondrée de 14 % à la bourse de Francfort en raison du pari baissier de certains fonds spéculatifs. Mais dans l’ensemble, la crise systémique a été évitée.
Les critiques du FSB
Un an après, le sauvetage du Credit Suisse laisse cependant de nombreuses questions en suspens au sein de la communauté financière et des institutions internationales. Les plus grandes inquiétudes concernent les failles du système de contrôle suisse qui ont rendu possible la chute du groupe zurichois. C’est précisément sur ces aspects que s’est penché un récent rapport du Conseil de stabilité financière (CSF), qui a lancé une sévère mise en garde contre le nouveau conglomérat créé à Zurich et a appelé les autorités de surveillance de Berne à renforcer leur vigilance.
L’organisme international basé à Bâle a pris position sur le marché suisse dans son examen par les pairs, qui s’est surtout concentré sur l’émergence du plus grand groupe de crédit du pays. Quelles sont les exigences ? La FSB demande à Berne de renforcer les contrôles sur les grandes banques et, en particulier, de réformer l’autorité de régulation Finma en lui donnant plus de moyens et de pouvoirs pour intervenir rapidement auprès des banques en difficulté.
Le poids d’UBS en Suisse
Le rapport qualifie ces mesures de “particulièrement importantes” car, après le renflouement du Credit Suisse, Ubs est l’institution qui, globalement, pèse le plus lourd sur l’économie d’un seul pays ; sa “faillite pourrait avoir un impact sérieux sur l’économie suisse et le système financier international”, souligne le CSF. Une alarme soulevée par un récent rapport de l’OCDE selon lequel le nouveau conglomérat contrôle désormais environ 25 % du marché suisse, tant du côté des dépôts que des prêts.
Le CSF a également souligné l’importance d’établir une forme de backstop public à la liquidité, servant de dernier recours pour soutenir une banque en difficulté.
Les règles introduites au niveau mondial après la crise financière de 2007-2009 pour la résolution ou la liquidation des banques (le fameux “bail-in”) étaient basées sur le fait qu’aucun intermédiaire n’est “trop gros pour faire faillite”, mais ce n’étaient plus les contribuables mais les actionnaires et les créanciers des banques elles-mêmes qui étaient censés les renflouer.
Mais dans le cas du Crédit Suisse, souligne le CSF, la Suisse a rapidement accepté une garantie de plusieurs milliards de dollars, assumant ainsi une grande partie du fardeau. Bien que certains détenteurs d’obligations aient été affectés et qu’UBS ait renoncé à son soutien, cette décision a soulevé des questions quant à l’efficacité des règles.
Le renflouement continue de faire débat parmi les investisseurs et les régulateurs, mais l’intégration du Credit Suisse et d’UBS est désormais une affaire réglée.