Outre les montants souhaités par les organismes de crédit, une partie des liquidités sera garantie par l’Eurosystème par le biais de deux mécanismes “structurels” : le refinancement à plus long terme et un portefeuille structurel de titres. L’objectif est d’éviter la volatilité des taux interbancaires à court terme ou les restrictions de crédit.
Incertitude sur le portefeuille de titres
Une incertitude importante demeure cependant sur ce portefeuille de titres, dont les caractéristiques n’ont pas été définies hier. Plusieurs analystes ont noté que la taille, la durée et le type d’actifs qui seront achetés ne sont pas connus. Si le portefeuille est suffisamment abondant, le système restera proche du système actuel, dans lequel les taux interbancaires sont fortement ancrés au franc allemand.
Le modèle en place jusqu’à présent a fait ses preuves grâce aux liquidités fournies par la BCE par le biais des achats de titres. Il n’y a pas eu de volatilité des taux au jour le jour ni de problèmes sur les marchés.
Si le portefeuille de titres est restreint, par exemple en raison des pressions exercées par les pays du Nord pour limiter les achats, il y aura un risque de volatilité accrue des taux interbancaires et des effets sur les marchés et le crédit.
Un système basé uniquement sur la demande des banques ne permet pas de contrôler les taux interbancaires, comme cela a été le cas jusqu’à présent. L’ancien vice-président de la BCE a également fait remarquer que les achats d’obligations rappellent aux faucons du conseil d’administration l’assouplissement quantitatif (dont ils sont de fervents opposants), même si le régime plancher nécessiterait moins d’achats d’obligations.
Le choix de la FED et les craintes à l’égard des obligations d’État
Les avantages du modèle plancher ont incité la Fed à l’adopter. La BCE risque d’être prise en étau entre le système mis en œuvre avec succès jusqu’à présent et le système de “corridor” (entre le Dfr et le Mlf) adopté avec moins d’efficacité avant 2008. Le danger est de créer plus d’incertitude que par le passé sur les taux interbancaires. Simon Wells de HSBC ont noté qu’il pourrait y avoir une “confusion” sur ce qu’est le taux de référence dans le nouveau système.
L’Allemande Isabel Schnabel, membre du conseil d’administration de la BCE, a plaidé en faveur d’un système basé sur la demande des banques, de sorte que les achats d’obligations d’État seraient réduits au minimum. Ce modèle aurait également pu créer un problème de stigmatisation pour les banques ayant des demandes de liquidités plus importantes. Le risque a été atténué en réduisant l’écart entre le taux des Mro et le Dfr à 15 points de base.
Contrairement à Schnabel, l’économiste en chef Philip Lane a souligné ces dernières semaines l’importance (également pour le crédit) d‘un portefeuille de titres structurel. Lane a cité une analyse réalisée par des économistes chevronnés de la BCE. La réduction du bilan de la BCE, selon les trois économistes, “devrait se poursuivre au rythme prévu jusqu’à la mi-2026. Ensuite, le bilan devrait recommencer à augmenter pour financer la croissance de la demande de passifs de la banque centrale”.
La réduction du bilan
Les décisions finales sont très probablement le fruit d’un compromis entre les différentes positions des membres du Conseil des gouverneurs de la BCE. La banque centrale poursuivra la réduction de son bilan en arrêtant le réinvestissement des titres du programme App et (à partir de juin) du plan Pepp contre la pandémie.
Dans environ deux ans, la BCE devrait recommencer à acheter des obligations pour le portefeuille structurel. Les achats tiendront compte des facteurs écologiques et pourraient être partiellement orientés vers des émetteurs moins polluants. L’ensemble du dispositif sera toutefois revu en 2026, sur la base de l’expérience acquise, voire plus tôt si nécessaire.
Exigences en matière de réserves
Entre-temps, il a été confirmé que les réserves obligatoires, qui ne sont pas rémunérées par l’Eurosystème, resteront à 1 % des dépôts : une bonne nouvelle pour les banques qui craignaient une augmentation du pourcentage. L’Allemagne et l’Autriche avaient proposé de l’augmenter dans le but de réduire les pertes des banques centrales nationales.
Depuis la présidence de Draghi, la BCE est intervenue sur les marchés pour augmenter l’inflation, alors trop faible et peinant à atteindre l’objectif de 2 %. L’Eurosystème a ainsi lancé des achats de titres et des refinancements à long terme (Ltro et LTRO). Le même besoin est ensuite apparu avec la pandémie. Il en résulte une forte augmentation du bilan de la BCE. La remontée de l’inflation en 2021 et 2022 a changé le scénario. La BCE a donc commencé à réduire le portefeuille.
L’excès de liquidité sera moindre à l’avenir, même s’il sera plus important qu’au moment de la crise financière de 2008. Le bilan de l’Eurosystème a culminé à 8,8 trillions à la fin de l’année 2022, mais il est maintenant retombé à environ 6,8 trillions.