Bien que les marchés n’aient pas encore réagi avec crainte au conflit, l’économie mondiale pourrait encore être secouée par des turbulences. Une analyse de l’Ispi a mis en lumière cet aspect du commerce à risque qui concerne tout le monde. Avec une carte qui met en évidence les menaces d’instabilité dans un Moyen-Orient vital pour les routes du commerce mondial.
Moyen-Orient, de la guerre au séisme commercial ?
Un réseau de ports, de routes maritimes et de gazoducs serpente dangereusement au Moyen-Orient, menacé par la guerre entre Israël et le Hamas. Eleonora Ardemagni, analyste à l’Ispi, explique les risques qui pèsent sur la stabilité régionale et mondiale en ce qui concerne les routes commerciales :
“Dans le contexte de crise actuel, tous les détroits maritimes du Moyen-Orient sont des “observateurs spéciaux” : Suez (y compris la section du golfe de Suez dans la mer Rouge), Ormuz (face à l’Iran), ainsi que Bab el-Mandeb (près des territoires yéménites contrôlés par les Houthis). Bien qu’il n’y ait pas de menaces directes sur les points d’étranglement à l’heure actuelle, le conflit indirect entre l’Iran et les États-Unis – clairement visible dans la guerre entre le Hamas et Israël – pourrait avoir des répercussions sur la sécurité des routes maritimes et des nombreuses infrastructures, y compris les infrastructures énergétiques, dans le “quadrant du Moyen-Orient“.
Pour donner quelques exemples de l’importance de la région, il suffit de rappeler que 3,6 milliards de barils de pétrole transitent chaque jour par Suez. Grâce à l’oléoduc Sumed, qui relie le golfe de Suez à la Méditerranée et à l’Europe, 80 % du pétrole du Moyen-Orient et des pays du Golfe atteint le vieux continent.
Les chiffres
Le détroit d’Ormuz voit passer 21 millions de barils de pétrole par jour et plus d’un quart du commerce international de gaz naturel liquéfié (GNL). Le Bab el-Mandeb est le point de transit de plus de 6,2 millions de barils de pétrole brut et raffiné par jour, soit 9 % du pétrole échangé par voie maritime. Précisément 3,6 millions de barils de pétrole brut provenant du Bab el-Mandeb sont destinés à l’Europe et 2,6 millions à l’Asie, tandis que 76 % des barils de pétrole brut transitant par Ormuz arrivent en Asie.
Le rôle de la Turquie, qui a chanté les louanges du Hamas en tant que libérateur de l’occupant israélien et s’est donc immiscée dans les événements de la guerre, est également important. Par ailleurs, plusieurs intérêts sont en jeu dans ce réseau de détroits et de ports pour la Chine, avec les transits de l’initiative Belt and Road et le pétrole brut, dont la moitié provient du Golfe. Sans oublier qu’il y a des gisements de gaz dans la région. L’analyste rappelle, à cet égard, que :
“En 2021, le Hamas avait tenté de frapper le champ gazier offshore israélien de Tamar avec une douzaine de roquettes, protégées toutefois par le système de défense antimissile Iron Dome. Avant l’accord de démarcation maritime entre Israël et le Liban (octobre 2022), le Hezbollah avait menacé à plusieurs reprises d’attaquer les champs gaziers offshore israéliens, lançant en juillet 2022 trois drones vers Karish (champ gazier disputé entre Israéliens et Libanais), interceptés par Israël.”
Toujours, dans un contexte de guerre, les infrastructures et les matières premières deviennent des armes à utiliser contre l’ennemi. Ainsi, dans une zone aussi stratégique pour le commerce mondial que le Moyen-Orient, la possibilité d’un bouleversement global est bien réelle.