Le contexte dans lequel nous nous trouvons est très complexe, surtout en Europe, tellement empêtrée dans les répercussions de la guerre en Ukraine. L’approvisionnement en gaz est une inconnue, les prix de l’énergie continuent d’augmenter, plusieurs entreprises ferment leurs portes car les matières premières coûtent trop cher.
Entre-temps, avec une inflation à deux chiffres dans la zone euro, la BCE mène une politique très stricte sur les taux d’intérêt, qui ont été portés à 2 % après la réunion d’octobre.
Un coût de l’argent aussi élevé doit décourager l’investissement et l’emprunt, c’est-à-dire la demande, pour refroidir les attentes d’inflation : tel est le message de Mme Lagarde. Mais entre-temps, avec des prix élevés induits par des facteurs externes tels que les conflits, les signes de détérioration économique en Europe sont nombreux : hypothèques plus chères, prêts bancaires à risque, pouvoir d’achat en chute libre, croissance économique des États en panne.
Le prix Nobel d’économie 2021, David Card, spécialiste du salaire minimum et de l’emploi, n’a aucun doute : la récession est l’objectif de la BCE et des banques centrales.
L’objectif des banques centrales : la récession
Le raisonnement de l’économiste et universitaire David Card est lucide mais alarmant : le chemin tracé par les banques centrales nous mène tout droit vers la récession. Le prix Nobel d’économie, a clarifié les intentions de la BCE et des banques centrales en général, mettant en garde contre des conséquences économiques dévastatrices :
“Les banques centrales veulent la récession et la perte du pouvoir d’achat. La Fed et la BCE sont convaincues que c’est le seul moyen de garder l’inflation sous contrôle. D’autre part, ils n’agissent que sur la base d’attentes futures, et bien qu’ils répètent qu’ils veulent éviter une récession, ils font tout pour nous entraîner dans une profonde récession. Elle ne sera peut-être pas aussi dure que celle de 1980, mais elle ne sera pas facile”
Selon l’expert, les taux d’intérêt continueront à augmenter “jusqu’à ce que les salaires et les prix augmentent de moins de 2,5 %.”
Cela affectera tout d’abord le monde du travail et donc les revenus des ménages. Bien que le pouvoir d’achat des citoyens soit déjà assiégé en Europe, avec des chaînes d’approvisionnement pas encore rétablies, des factures d’énergie toujours plus chères et un euro faible par rapport au dollar, l’objectif de la BCE est de ralentir à nouveau la demande des consommateurs afin de freiner les prix.
Cependant, cette stratégie de coûts monétaires élevés et de salaires fermes, a souligné M. Card, aura des effets négatifs, avec des prêts et des hypothèques plus chers pour les ménages. Les secteurs dépendant du crédit, comme l’automobile, en prendront un coup. “Et avec plus de chômeurs, de nombreuses dettes deviendront moins soutenables“, a rappelé l’expert.
Les salaires pourraient s’effondrer
En tant que spécialiste du salaire minimum et de l’emploi, Card s’attarde sur les estimations possibles sur le monde du travail. Avec la BCE si agressive sur les taux d’intérêt, notre pays pourrait également voir les salaires baisser. Le chômage, dont le taux est resté bloqué à 7,9 % en septembre, pourrait monter en flèche pour atteindre 10 %.
Comment éviter une profonde récession ?
Le lauréat du prix Nobel Card a souligné que dans un scénario d’incertitudes aussi graves, il sera crucial pour les gouvernements de maintenir des filets de sécurité adéquats pour les salariés et les travailleurs aux revenus les plus faibles :
“Les revenus universels doivent être modulés pour être une incitation et non une désincitation au travail. Il faut un impôt négatif sur le revenu pour récompenser ceux qui travaillent et punir les comportements parasitaires”
En outre, deux facteurs pour Card peuvent propulser l’économie mondiale vers une reprise durable : une négociation entre la Russie et l’Ukraine et l’assouplissement des politiques de zéro-covid en Chine. En attendant ces avancées, la BCE continuera à augmenter les taux d’intérêts, avec toutes les conséquences attendues. Y compris la récession !