Le très jeune premier ministre lui-même, Gabriel Attal, s’était publiquement engagé pendant la campagne électorale à soutenir la leader Valérie Hayer. Et Marine Le Pen, lors d’un éventuel débat télévisé avec Emmanuel Macron, avait été claire sur le sujet, déclarant que si le président entrait en campagne électorale en soutenant sa propre équipe politique, il devrait alors assumer la responsabilité d’une éventuelle défaite, en démissionnant ou en dissolvant l’Assemblée Nationale pour convoquer de nouvelles élections. C’est ce qu’il a fait.
Macron joue la carte de l’anticipation
Macron a immédiatement pris acte du vote de défiance décrété par les électeurs à l’encontre de sa formation politique et a décidé que la France retournerait aux urnes, avec des élections anticipées : le premier tour des législatives aura lieu fin juin et le second le 7 juillet. Bien que largement attendu, le succès écrasant du RN a mis en jeu les équilibres politiques internes, précaires depuis le début de la législature puisque la majorité relative à l’Assemblée nationale n’a cessé d’exposer le gouvernement à des motions de censure répétées présentées par les oppositions.
Macron a donc joué la sécurité pour ne pas rester un canard boiteux jusqu’au printemps 2027, date de l’expiration naturelle de la législature et de la prochaine élection présidentielle, à laquelle il ne pourra pas participer puisqu’il a déjà effectué deux mandats : il aurait été extrêmement pénalisant de continuer avec cette majorité parlementaire qui a toujours été en difficulté, et avec un Rassemblement National qui aurait continué à faire le plein de soutiens dans l’opposition, fort d’un consensus populaire grandissant et désormais consolidé.
Les scénarios possibles après l’élection du 7 juillet
Lors des élections, compte tenu du système à deux tours avec un second tour, le résultat qui s’annonce n’a que très peu d’alternatives :
- Renaissance, la formation politique qui soutient Emmanuel Macron, ne fera en aucun cas d’alliance à gauche et n’obtiendra qu’un très faible nombre de sièges, inférieur à la répartition actuelle ;
- la gauche, à nouveau querelleuse en interne après avoir dissous le cartel unitaire de partis avec lequel elle s’était présentée aux élections de 2022 sous le nom de Nupes, a très peu de chances d’obtenir de bons résultats et n’aura certainement pas de majorité de sièges ;
- le RN, en s’alliant peut-être dans certaines circonscriptions avec la Reconquête d’Éric Zemmour et de Marion Maréchal, pourrait récolter une large moisson d’élus et se confirmer comme le premier parti, mais il est peu probable qu’il obtienne une majorité absolue de sièges.
C’est alors que les jeux s’ouvriront, offrant un accord qui se révélera très indigeste pour les gaullistes.
Macron vise la « cohabitation » pour mettre le RN sous tutelle, en utilisant le temps qui nous sépare des nouvelles élections présidentielles pour l’enfermer dans une sorte de tenaille politique : à la forte opposition parlementaire qu’exercera la gauche, il pourra faire usage du rôle de pilotage par rapport au gouvernement que le système constitutionnel français attribue au président de la République, qui participe aux travaux du Conseil des ministres et considère le premier ministre comme une sorte de délégué présidentiel.
Dans ce contexte, les prochaines élections françaises ne feront qu’accentuer les contrastes politiques entre le Président Macron et le probable Premier ministre Jordan Bardella représentant le RN, qui deviendront des conflits institutionnels. Les atouts de la Vème République seront mis à rude épreuve.