L’euphorie suscitée par la première baisse des taux de la BCE est déjà passée au vu des prévisions d’inflation toujours incertaines dans la zone euro. Si la conférence de presse de Mme Lagarde, jeudi 6 juin, n’a pas été suffisamment claire sur le scénario opaque pour la région, elle l’a réitéré le lendemain : la BCE est encore loin de maîtriser l’inflation et doit continuer à freiner la croissance économique, a déclaré la présidente Lagarde dans un éditorial vendredi.

Les investisseurs s’interrogent désormais sur la prochaine orientation de la politique monétaire, avec une remise en question provocante de nouvelles baisses de taux en 2024. Tout en affirmant que les perspectives des prix à la consommation se sont « nettement améliorées », la BCE a relevé ses prévisions d’inflation pour 2025 de 2,0 % à 2,2 %, ce qui a suscité des doutes quant à l’opportunité de cette décision.

La BCE a-t-elle eu tort de baisser ses taux ?

Alors que Mme Lagarde a déclaré jeudi qu’il était fort probable que la baisse des taux ne soit pas simplement ponctuelle, mais qu’elle marque le début d’un processus de réduction, elle a semblé adopter une position plus prudente vendredi.

« Nous devons encore garder le pied sur le frein pendant un certain temps, même si nous n’appuyons pas aussi fort qu’auparavant », a-t-il déclaré. « Les taux d’intérêt devront donc rester restrictifs aussi longtemps que nécessaire pour assurer durablement la stabilité des prix. »

L’inflation dans le bloc des 20 pays s’est accélérée plus que prévu pour atteindre 2,6 % en mai. La hausse des prix des services et le renforcement inattendu des pressions sous-jacentes sont encore plus inquiétants pour les autorités.

Vendredi, les fonctionnaires se sont montrés prudents quant à la perspective d’un nouvel assouplissement, attendant d’autres preuves de progrès en matière de croissance des prix pour s’assurer que de nouvelles réductions sont justifiées. L’Irlandais Gabriel Makhlouf a déclaré que les décideurs politiques ne savaient pas « à quelle vitesse nous irons de l’avant, ou s’ils n’iront pas de l’avant ».

Bien que les responsables les plus francs refusent de discuter de la prochaine mesure politique de la BCE, ils ont presque exclu une baisse des taux en juillet lorsqu’ils se sont exprimés officieusement. S’ajoutant à la récente série de mauvaises nouvelles, la croissance des revenus par employé, une mesure clé suivie par la BCE, s’est accélérée pour atteindre 5,1 % au premier trimestre, contre 4,9 % au cours des trois mois précédents, selon des données publiées vendredi, ce qui laisse présager une croissance des salaires encore plus élevée.

Dans son éditorial, Mme Lagarde souligne que la croissance des prix à la consommation est en bonne voie pour atteindre l’objectif de 2 % à la fin de l’année 2025, la politique monétaire « contribuant fortement » à la réalisation de cet objectif. « Par conséquent, en réduisant les taux, nous avons décidé de modérer le degré de resserrement de la politique monétaire », a-t-il déclaré.

Mais le retour à l’objectif « ne se fera pas sans heurts », a-t-il ajouté. « La vigilance, l’engagement et la persévérance sont nécessaires. La prochaine baisse des taux d’intérêt dans la zone euro pourrait être très éloignée. »