La BCE pourrait donc avoir opté ces derniers mois pour une politique monétaire plus restrictive que nécessaire. Francfort s’attend à ce que l’inflation atteigne l’objectif de 2 % à partir de la mi-2025, mais de nombreux économistes pensent qu’elle l’atteindra plus tôt (selon certains, dès la mi-2024). Aujourd’hui, les risques les plus importants semblent concerner la croissance européenne, qui stagne depuis plus d’un an, l’Allemagne étant plus en difficulté que les autres pays.
L’inflation est plus faible que prévu mais l’économie se détériore
La présidente de la BCE, Christine Lagarde, est restée prudente (plus que Nagel) dans une interview accordée à CNN, notant que les prochaines données salariales doivent être surveillées avant que le travail de lutte contre l’inflation puisse être considéré comme terminé. Toutefois, après la dernière réunion du Conseil des gouverneurs, Mme Lagarde s’est montrée plus confiante quant à la baisse du coût de la vie et n’a pas exclu une réduction en avril.
Le vice-président Luis De Guindos a admis à Die Zeit que “l’inflation sera légèrement inférieure à nos attentes” et que “les perspectives économiques se sont même détériorées” par rapport à la prévision déjà basse de la BCE d’une croissance de 0,8 % dans la zone euro cette année. M. de Guindos a ajouté que “le commerce mondial a perdu de son élan, les incertitudes géopolitiques se sont accrues et les hausses de taux se transmettent avec force à l’économie plus tôt que prévu”.
Les projections de mars de la BCE seront décisives pour déterminer une réduction en avril ou en juin.
Données de l’Allemagne et de la France
Des signaux positifs sur l’inflation sont venus d’Allemagne et de France hier, en attendant les données globales de la zone euro d’aujourd’hui. L’inflation allemande est tombée à 3,1 % en janvier, contre 3,8 % en décembre, une baisse supérieure aux attentes des économistes (3,2 %). Toutes les composantes (y compris l’inflation de base) ont baissé, à l’exception d’une légère augmentation dans les services. La variation mensuelle globale a été négative (-0,2 %). Le chiffre de la France a également baissé plus que prévu (3,4 %, contre 4,1 % le mois précédent). Il n’y a qu’en Espagne que le coût de la vie a de nouveau augmenté en janvier (3,5 %). L’inflation de la zone euro devrait tomber à environ 2,7 %, contre 2,9 % en décembre.
Dans l’ensemble, le marché a interprété les données comme un renforcement de l’attente d’une baisse des taux de la BCE en avril, ce qui est considéré comme acquis par les traders monétaires qui s’attendent alors à cinq autres baisses cette année. Les taux des obligations d’État allemandes à deux ans ont baissé de 10 points de base hier (à 2,4 %), les taux italiens de 5 points de base (à 3,03 %). Capital Economics a souligné qu'”il reste encore un chiffre d’inflation à prendre en compte avant la réunion de mars de la BCE, mais les chiffres de janvier nous rendent plus confiants quant à la première baisse de taux en avril”.
Ces derniers jours, Klaas Knot, le faucon néerlandais du Conseil des gouverneurs de la BCE, a déclaré qu’il fallait attendre l’évolution des salaires, considérée comme “la seule pièce manquante” sur l’inflation. Une position différente a été exprimée par le Portugais Mario Centeno, qui a déclaré qu’il n’était pas nécessaire d’attendre les données salariales du mois de mai pour se faire une idée de la trajectoire de l’inflation.
En outre, M. Centeno a plaidé en faveur de mesures précoces et progressives et a rappelé que les déviations potentielles de l’inflation en dessous de l’objectif de 2 % “sont tout aussi punissables que les déviations au-dessus de cet objectif”. Le gouverneur français François Villeroy de Galhau n’a rien exclu quant à la date de la première baisse : “Tout sera ouvert lors des prochaines réunions”.