Ne paniquez pas, ne paniquez pas, diraient les Américains. A tort ou à raison ? Le krach boursier mondial d’hier présente de nombreuses similitudes avec celui d’il y a 37 ans, le lundi 19 octobre 1987, le “lundi noir” qui a récemment fait l’objet de dramatiques et de séries télévisées prémonitoires.

Similitudes et différences

Mais les similitudes vont de pair avec les différences. Un homme de la rue désabusé dirait probablement que les marchés financiers nous ont habitués à ces tremblements de terre entre l’été et l’automne : octobre 1929 et la Grande Dépression qui s’en est suivie, la bulle Internet de 1997-2001, la faillite de Lehman Brothers et la crise de 2008 avec la récession qui s’en est suivie, sans remonter aux années 1600 et au légendaire krach du marché des tulipes.

Comme en 1987, on observe aujourd’hui une corrélation à la baisse entre l’évolution des cours des actions et celle des obligations, avec une hausse correspondante des rendements de ces dernières.

Comme le lundi noir du 19 octobre 1987, le choc se matérialise après une année haussière dans les deux secteurs. Il y a 37 ans, le Dow Jones avait progressé de 44 % en septembre et, aujourd’hui encore, le krach fait suite à une période de hausse continue de la valeur des bourses internationales et du prix des obligations.

La situation géopolitique

Comme en 1987, la situation géopolitique joue un rôle non négligeable sur la psychologie des investisseurs. À l’époque, la tension montait – comme par hasard – sur l’échiquier du Moyen-Orient avec des effets sur les prix du pétrole. Aujourd’hui, c’est bien plus que cela. Il y a deux guerres en cours, qui jusqu’à présent ne semblaient pas avoir ébranlé la confiance des marchés, mais qui semblent soudain avoir changé d’avis.

Selon Mohamed El Enrian, économiste chez Allianz, la crise géopolitique pousse les investisseurs à délaisser les actions et les T-bonds. Le phénomène est ensuite renforcé par les récentes incertitudes sur les performances de l’économie américaine, à qui l’on demande de croître sans relâche pour maintenir la confiance.

Des différences significatives

Des analogies, certes, mais aussi des différences significatives. La première concerne l’économie réelle. Les Etats-Unis, qui sont toujours au centre du système, sont beaucoup plus forts qu’en 1987. Le secteur technologique souffre après le boom, mais la croissance et l’emploi restent à de bons niveaux.

Contrairement à 1987 où l’économie grinçait sous le poids d’un double déficit, budgétaire et commercial, aujourd’hui la structure des exportations reste favorable aux États-Unis grâce aussi aux mesures protectionnistes prises par les administrations Biden et Trump. Certes, la dette a atteint 130% du PIB, mais pour ceux qui ont le privilège d’imprimer des dollars à volonté, c’est un problème relatif. Selon John Authers de Bloomberg, ils ne pourront cependant pas continuer à reculer ensemble, tôt ou tard l’un d’entre eux cédera.

L’arrivée de mécanismes de sauvegarde

Il existe une autre différence significative. Le lundi noir était dû au fonctionnement des nouveaux mécanismes de vente automatique qui, le 19 octobre 1987, ont déversé sur le marché une vague d’ordres baissiers qui a provoqué une chute historique de 22,6 % du Dow Jones. Aujourd’hui, le Nasdaq et le Nyse ont introduit des mécanismes de sauvegarde qui se déclenchent lorsque les pertes dépassent 7 %.

Mais contrairement à ce qui s’est passé il y a 37 ans, le marché est confronté au problème du bitcoin, dont le seuil de sécurité ne doit pas descendre en dessous de 60 000 dollars. Les jours à venir nous diront si la violente correction de lundi est une nouvelle manifestation d’une réaction excessive à des hausses excessives ou le début d’une nouvelle histoire.