Les marchés sont peu habitués à la volatilité de l’OAT, les titres de la dette publique française. Ces derniers ont atteint vendredi 83 points de base par rapport au Bund allemand, un écart jamais vu depuis la naissance de l’euro, selon les calculs des économistes de Bloomberg.

Après tout, le président de la deuxième économie européenne, Emmanuel Macron, a d’abord pris les marchés par surprise en annonçant des élections anticipées du 30 juin au 7 juillet, après les élections européennes qui ont vu l’extrême droite faire un bond en avant. Puis, lundi 24, il a averti le pays que si les extrêmes (y compris la gauche) l’emportaient, la France “risquait la guerre civile“.

Alors que le Cac 40 monte mardi 25 juin pour tenter de récupérer les quatre points perdus depuis un mois, les analystes commencent à faire le point sur la situation.

Allianz : les investisseurs en alerte

Allianz Global Investors, par exemple, un groupe allemand qui gère 156 milliards d’euros d’actifs, avertit que la France doit commencer à rassurer les investisseurs étrangers sur l’assainissement des finances du pays (la droite et la gauche ont toutes deux des plans d’expansion de la dette), faute de quoi ils risquent une nouvelle explosion des spreads.

Le fait est, selon les analystes, que les investisseurs étrangers détiennent une part beaucoup plus importante de la dette publique française que celle d’autres pays, et certains craignent que les troubles politiques actuels ne déclenchent une crise de la dette européenne comparable à celle qu’a connue l’Italie il y a plus d’une décennie.

Tout rappel de la crise de la dette souveraine européenne est un signal d’alarme pour de nombreux investisseurs internationaux“, explique Allianz. La crainte qu’une victoire de la droite ou de la gauche ne dégrade les finances publiques françaises a effrayé les marchés et provoqué une chute de la dette française.

FMI : 50 % de la dette française entre les mains d’investisseurs étrangers

Selon le Fonds Monétaire International, les étrangers représentent environ 50 % du marché de la dette française en 2023. En comparaison, cette part est d’environ 30 % en Italie, au Royaume-Uni et aux États-Unis. Alors que le premier tour de scrutin débute ce week-end, Allianz maintient une surpondération du dollar américain par rapport à l’euro, malgré la récente embellie des données économiques de la zone euro. Elle considère l’or comme un bouclier contre les turbulences géopolitiques.

Contrairement aux élections françaises, Allianz estime que le scrutin britannique du 4 juillet sera un “non-événement”, car on s’attend à ce que le parti travailliste remporte la majorité. Le gestionnaire d’actifs allemand a une position longue sur les actions britanniques et considère que le parti travailliste a le potentiel de forger des liens plus étroits avec l’UE s’il gagne.

Allianz maintient une position longue sur les obligations du Trésor américain à 10 ans. L’élargissement des spreads de la zone euro dans le cadre d’un mouvement de selloff sur la dette française “n’offre pas suffisamment de rendement supplémentaire pour faire de la dette française une opportunité d’achat. Le risque pour la France est que le spread continue à se creuser“.

Macron : si les extrémistes gagnent, nous risquons la guerre civile

Mais qu’a dit le président Macron à propos d’une éventuelle victoire des extrémistes ? Qu’elle soit d’extrême droite ou d’extrême gauche, elle conduirait la France à la “guerre civile”. C’est le cri d’alarme lancé par le Président de la République française à quelques jours du premier tour des élections législatives qui se tiendront le dimanche 30 juin et le 7 juillet suivant. Le Rassemblement national continue de progresser dans les sondages et se situe, selon la dernière enquête Ifop-Fiducial, à 36% des préférences des Français.

Il est suivi par le Nouveau Front Populaire, la coalition qui regroupe plusieurs forces politiques de gauche, avec 29,5% du consensus. La galaxie centriste et macronienne, quant à elle, s’arrête à 20,5 %, soit 1,5 point de pourcentage de moins qu’il y a cinq jours.

Pourquoi la dette européenne reste une valeur sûre ?

Generali Asset Management a quant à elle une opinion positive sur la dette européenne. Selon les experts, “les perspectives pour les obligations en euros restent constructives… elles représentent une bonne opportunité pour les investisseurs à la recherche de rendement“.

Il n’en reste pas moins que “les craintes concernant les politiques fiscales du parti d’extrême droite sont élevées, étant donné que le déficit en France s’élève à environ 5 % et que le ratio dette/PIB est supérieur à 110 %. Mais nous notons également que le spread français à 2 ans n’est pas inférieur au spread à 10 ans (un signe clé de risque idiosyncratique limité pour l’instant) et que les rendements à 10 ans sont relativement stables“. C’est pourquoi, selon Generali, “l’événement de risque en France pourrait être idiosyncratique“.