Rarement les journalistes auront été aussi désemparés et peu convaincants qu’aujourd’hui pour chercher les raisons de l’irritante hausse du prix de l’or. Les explications habituelles sont la baisse des taux d’intérêt, la crainte de l’inflation et les conflits géopolitiques. Mais cela a-t-il un sens ? Les taux d’intérêt ont beaucoup moins baissé cette année que prévu au début de l’année, une vraie déception pour les investisseurs en or. L’inflation recule et les prévisions d’inflation pour 2024 sont désormais inférieures à celles du début de l’année.

Aucun de ces arguments n’offre donc une explication satisfaisante. Les risques géopolitiques demeurent : la situation au Moyen-Orient s’est en effet aggravée, tandis que la situation dans d’autres zones critiques est restée largement inchangée. Toutefois, dans le cadre de ces conflits, certains pays ont probablement été de plus en plus enclins à investir leurs réserves de change dans l’or plutôt que dans des obligations d’État américaines, dont la disponibilité peut être limitée à tout moment par le gouvernement américain. Il n’est donc pas surprenant que les banques centrales de nombreux pays préfèrent depuis longtemps l’or sans intérêt aux bons du Trésor américain comme monnaie de réserve, et qu’elles aient encore considérablement augmenté leurs réserves d’or cette année.

Qui achète de l’or ?

La demande d’or à des fins d’investissement pur, qui se reflète dans les positions des ETF dans le monde entier, a fortement diminué jusqu’en mai (ventes nettes de 157 tonnes). Toutefois, à cette époque, l’or s’échangeait déjà au-dessus de 2 400 dollars. Depuis lors, les investisseurs ont à nouveau acheté environ 90 tonnes d’or sur une base nette, mais cela implique encore un solde négatif d’environ 70 tonnes pour l’année en cours.

Il faut donc qu’il y ait d’autres acheteurs sur le marché pour provoquer une telle hausse du prix de l’or. Tout d’abord, il est probable qu’il s’agisse d’achats de lingots physiques qui ne sont pas enregistrés dans les statistiques des banques centrales. Par exemple, il est possible que des institutions gouvernementales veuillent réduire leur dépendance vis-à-vis des Etats-Unis ou même que des ménages aient effectué des achats d’or.

Le champ de mines de la dette publique américaine

L’or ne connaît pas de risque hégémonique ou de contrepartie. Personne en dehors des États-Unis n’a à craindre que le gouvernement américain confisque ses avoirs en or (à condition qu’ils ne soient pas stockés aux États-Unis). Le niveau élevé et croissant de la dette publique aux États-Unis et dans de nombreux autres pays sera une raison importante pour les grands investisseurs de concentrer une plus grande partie de leurs réserves d’or.

Bien que le risque de défaillance souveraine ne soit que théorique dans la plupart des pays, une politique d’endettement insoutenable sape la valeur à long terme des monnaies dans lesquelles le service de la dette est assuré. Il semble y avoir une corrélation à long terme entre l’évolution de la dette souveraine et le prix de l’or. Le 26 septembre, l’or a atteint son précédent record de 2 672 dollars, ce qui peut également être interprété comme l’anticipation d’une nouvelle augmentation de la dette publique.

Les dépenses d’intérêt du gouvernement américain atteindront à elles seules plus de 3 % du PIB cette année. Il est possible que la forte hausse des prix observée ces derniers mois soit suivie d’une nouvelle pause jusqu’à la prochaine augmentation de la dette publique. Quoi qu’il en soit, l’or reste un important ancrage de valeur dans un monde de plus en plus fragile.