Avant le déclenchement de la guerre en Ukraine, la Russie, qui possède les plus grandes réserves de gaz au monde, avait l’Europe pour meilleur partenaire d’exportation. En 2021, elle a pompé 150 milliards de mètres cubes de gaz vers l’Europe par l’intermédiaire de gazoducs, ce qui correspond à la consommation annuelle de l’Allemagne, de la France et de l’Autriche. Deux tiers des exportations de gaz russe aboutissaient en Europe. Puis, avec l’invasion de l’Ukraine et le début de la guerre, ce scénario a soudainement changé.
L’Europe, unanimement unie pour sanctionner la nation dirigée par Poutine, a décidé de réduire les importations de gaz en provenance de Russie à zéro. Pour ce faire, elle a conclu des accords avec d’autres pays exportateurs, principalement les États-Unis et les pays d’Afrique du Nord. Dans le même temps, la Russie a également menacé d’arrêter de pomper son gaz vers les nations hostiles à la guerre en Ukraine. La mystérieuse explosion du gazoduc Nord Stream a fini par réduire les approvisionnements à zéro, augmentant le coût du gaz à des prix insensés, comme nous l’avons vu l’année dernière. Heureusement, l’hiver doux que nous avons connu a permis aux nations européennes de traverser les mois les plus difficiles sans problème d’approvisionnement particulier.
En conséquence, la Russie s’est retrouvée avec 90 milliards de mètres cubes de gaz invendu cette année. La baisse du prix de gros a eu pour effet de réduire encore davantage les revenus. Les revenus du gaz ont chuté de près de 45 % entre janvier et mai par rapport à la même période en 2022. La production a également baissé de 13 % par rapport aux cinq premiers mois de l’année dernière. Une solution s’imposait et la Russie l’a trouvée en augmentant ses exportations vers la Chine (ce qui n’a pas été facile, principalement en raison de problèmes logistiques) et en augmentant l’offre intérieure.
Le gaz russe vers la Chine
Le principal partenaire de la Russie en matière d’exportation de gaz ayant disparu, M. Poutine a commencé à se tourner vers l’Est, en essayant d’augmenter les exportations vers la Chine. Mais ce n’est pas facile, tout d’abord pour des raisons logistiques. La plupart des infrastructures d’exportation de gaz en dehors de la Russie sont situées à l’ouest, c’est-à-dire en Europe. Pour augmenter les exportations vers l’Est et donc vers la Chine, il faut construire de nouvelles infrastructures et de nouveaux gazoducs, ce qui n’est pas facile à réaliser à court terme. Cette année déjà, la fourniture de gaz à la Chine augmente, c’est vrai, nous en sommes à 22 milliards de mètres cubes et +42%. Mais pour doubler les flux, il faut construire un nouveau gazoduc, Power of Siberia 2, qui pourrait entrer en service dans au moins cinq ans.
Le dirigeant chinois Xi Jinping qui ne semble pas pressé de négocier et de conclure des accords pour augmenter l’achat de gaz russe à son ami Poutine.
Augmenter l’approvisionnement intérieur
Si la Russie est pressée de trouver des solutions, c’est aussi parce qu’elle ne peut pas se permettre de fortes réductions des revenus tirés de la vente de son gaz. Son économie est déjà gravement compromise par les sanctions et l’embargo de l’OTAN. Si l’on ajoute à cela la réduction de ces revenus, le risque de défaut de paiement est réel. L’autre solution proposée par M. Poutine consiste à augmenter l’offre nationale en atteignant les territoires qui ne sont pas encore approvisionnés.
Poutine a déclaré l’année dernière que “dans la mesure du possible, le gaz, acheminé par gazoduc ou liquéfié, doit atteindre un consommateur“. L’ambition est de porter le taux d’accès au gaz national à 83 % d’ici 2030, contre 73 % l’an dernier. Pour ce faire, elle devra construire de nouvelles connexions vers les régions les plus éloignées où le gaz n’arrive pas aujourd’hui.
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Le gaz russe reviendra-t-il un jour en Europe ?
De nombreux experts sont convaincus que tôt ou tard, les exportations de gaz russe vers l’Europe reprendront partiellement. Même si la guerre se termine demain, il n’y a aucune garantie que l’Europe reprenne ses approvisionnements en provenance de la Russie. La plupart des pays européens ont tourné la page en décidant d’interdire, parfois totalement, parfois partiellement, l’importation de gaz russe.
Ce qui semblait être un grave problème a été surmonté avec beaucoup d’agilité par la conclusion d’accords avec d’autres pays, en particulier avec les États-Unis, qui sont passés à la vitesse supérieure dans ce domaine. La Russie tente de revenir sur le marché européen via la Turquie en concluant des accords commerciaux. Le président Erdogan a salué la volonté de Poutine de créer une plate-forme commerciale en Turquie pour le commerce du gaz russe.