L’issue conforme aux attentes du premier tour des élections législatives en France fait pousser un soupir de soulagement aux marchés obligataires périphériques. Le vote a donné au parti d’extrême droite de Marine Le Pen, le Rassemblement national, une majorité relative, devant la gauche et le parti du président, Emmanuel Macron, qui a perdu du soutien. En attendant le second tour des élections le 7 juillet, le rendement de la Btp à 10 ans s’est établi à 4,07 % contre 4,06 % à la clôture du vendredi 28 juin.

Des négociations fébriles en attendant le scrutin du dimanche 7 juillet

Avec le risque, apparemment écarté, d’une majorité de gauche, “les pires craintes du marché concernant des dépenses effrénées sont apaisées“, commente Alex Everett, gestionnaire d’investissement chez abrdn. Bien sûr, prévient-il, “nous ne sommes pas encore sortis d’affaire. Le Rassemblement national a dépassé les attentes et pourrait encore recueillir les voix du second tour nécessaires pour obtenir une majorité relative, voire absolue“. Jusqu’à mardi soir, d’intenses négociations devraient voir émerger des accords entre les partis de gauche et du centre pour tenter de faire échouer ce résultat.

Le spread OAT pourrait se réduire légèrement par rapport aux Bunds, mais seulement dans une mesure limitée, car l’avenir de la France n’est toujours pas clair et le risque politique est élevé. La réduction du risque de baisse devrait soutenir les obligations souveraines européennes non françaises.

Vers un gouvernement technique ?

Le scénario de base est celui d’un parlement “sans majorité”, dans lequel aucun parti n’obtient une majorité claire de sièges et où la fragmentation politique s’accroît. Cela exacerberait naturellement la situation d’incertitude actuelle, avec un président qui, selon la constitution, ne peut dissoudre le parlement avant qu’un an ne se soit écoulé. “Comme aucun chef de parti ne sera prêt à accepter l’offre de former un gouvernement sous la menace d’être rapidement exposé à une motion de censure, Macron pourrait proposer de former un gouvernement technique jusqu’à ce qu’une nouvelle dissolution puisse être exigée“, indique Unicredit Research, soulignant que ce scénario incertain “pèsera sur le sentiment de risque cette semaine“.

Pour Johann Scholtz, analyste actions chez Morningstar, l’incertitude demeure quant à l’issue des élections, “et nous ne serons pas surpris de voir plus de volatilité à court terme, en particulier dans la valorisation du marché des banques françaises“, prédit l’expert, estimant que les traders ont fortement vendu à découvert les banques françaises, qu’ils considèrent comme un indicateur de l’économie du pays en général. Ce matin, cependant, “il y a beaucoup de couverture de vente à découvert sur les actions des banques françaises“. Les actions de BNP Paribas ont augmenté de 3,78 % à 61,78 euros à la Bourse de Paris, celles de Crédit Agricole de 4 % à 13,26 euros et celles de Société Générale de 4,94 % à 23 euros.

Les banques françaises rebondissent dans le CAC40

Le principal risque pour les banques françaises lié à l’incertitude politique est la hausse des coûts de financement avec un écart plus important. Les banques françaises sont plus dépendantes du financement de gros que beaucoup de leurs concurrents européens, ce qui rend leur position encore plus difficile. Il y a aussi le risque d’une intervention populiste d’un nouveau gouvernement sur les taux d’épargne et les taux hypothécaires. Cependant, les taux français sont déjà réglementés, ce qui atténuera l’impact d’une nouvelle intervention dans leur détermination“, explique M. Scholtz, qui considère que BNP Paribas est sous-évaluée.

Et ce n’est pas tout. “Bnp Paribas est un acteur majeur de la banque de détail en France, avec des résultats stables depuis plus de vingt ans. Bnp Paribas a utilisé une partie de son capital excédentaire pour plusieurs petites acquisitions qui devraient soutenir la croissance des bénéfices. La volatilité accrue sur les marchés financiers européens en raison des élections françaises pourrait s’avérer positive pour la division banque d’investissement de l’institution, car ses clients chercheront à couvrir les risques sur les taux et les devises, ce qui soutiendra les volumes et des écarts plus importants soutiendront les marges de négociation“, prédit M. Scholtz.

Les deux scénarios de Citi

Les économistes de Citi voient deux scénarios principaux pour le second tour du 7 juillet : une majorité absolue pour le RN ou un parlement sans majorité. Dans les deux cas, ils s’attendent à ce que la France reste politiquement instable après l’élection, avec une visibilité politique très limitée et une perte d’influence substantielle en Europe, soulignant que le stratège taux de Citi a indiqué dans le scénario potentiel d’une victoire d’un parti d’extrême droite une augmentation de l’écart Oat/Bund à 100/105 points de base ou dans le cas d’un parlement bloqué un écart Oat/Bund à 70/75 points de base (globalement autour du niveau actuel), les deux dans le cas où le président Macron resterait en fonction, tandis que la simulation indique un élargissement supplémentaire d’environ 30 points de base dans le cas d’une démission de sa part.

Parallèlement, le coût implicite du capital des banques françaises a augmenté d’environ 330 points de base depuis la fin du mois de mai, soit une hausse supérieure à celle du secteur bancaire européen (+50 points de base). “Cette augmentation du coût implicite du capital semble plus que devancer l’effet de l’élargissement du spread Oat/Bund, car le marché anticipe peut-être une dégradation de la croissance pour l’Europe, un risque fiscal plus large pour la France et/ou un impact spécifique pour les banques françaises avec également un coût de financement plus élevé/un ROTE (rentabilité des fonds propres corporels) plus faible et un retour sur capital plus faible“.

Quant au Rote, “chaque 50 points de base de baisse du ROTE peut peser pour -5% sur la valorisation des banques françaises“, qui a une note d’achat et un objectif de cours à 78 euros sur Bnp Paribas, la même note sur Société Générale (objectif de cours à 33 euros), tandis qu’elle a une note neutre sur Crédit Agricole (objectif de cours à 15,50 euros).