
Mais c’est Tesla qui a connu la plus forte chute. Le marché l’a toujours comparé à une action à multiples de la haute technologie, mais il ne faut pas oublier que Tesla produit des voitures. Certes, des voitures électriques qui l’ont vue pendant des années comme le protagoniste absolu du marché avec une position de monopole.
Tesla vs les grandes entreprises technologiques
Il n’en reste pas moins que la rentabilité de l’automobile, même entièrement électrique, ne peut être comparée à celle des géants de la technologie : de Microsoft à Apple, etc. Il suffit de parcourir les chiffres pour s’en rendre compte. En 2024, année où, pour la première fois de son histoire décennale, elle a vu ses ventes et son chiffre d’affaires diminuer, Tesla a clôturé avec un bénéfice net de 7 milliards sur 97 milliards de recettes. Et sa marge d’exploitation a chuté à 7,8 %.
Le ralentissement de la rentabilité de Tesla est plus qu’évident : en 2022, la marge d’exploitation représentait 17 % des revenus. Au cours des deux dernières années, Tesla a perdu plus de la moitié de sa rentabilité. En fait, ce qui a semblé pendant des années être un atout unique parmi les géants de l’automobile, et qui a poussé les valorisations à des niveaux stellaires, est vraiment revenu sur terre. Les concurrents traditionnels, snobés pendant des années au profit de l’unicité de Tesla et submergés l’année dernière par la baisse des ventes, ne sont pas si différents aujourd’hui de la créature de Musk en termes de rentabilité.
Toyota, qui reste le premier constructeur mondial, réalise un chiffre d’affaires de 315 milliards de dollars et un bénéfice d’exploitation de 32 milliards. Avec une rentabilité opérationnelle supérieure à 10 %. Les grands européens talonnent à distance mais avec une rentabilité, malgré la baisse des ventes, proche de celle actuelle de Tesla. Mercedes affiche une marge d’exploitation de 8,8 % ; BMW est à 9 % ; Renault, qui est parmi les grands d’Europe celui qui n’a pas connu de baisse de revenus, se situe à 7,4 %. L’américain General Motors est à 6,8 % et l’allemand Volkswagen, qui a plus que d’autres souffert de la crise allemande et du ralentissement du marché chinois, se défend avec une marge d’exploitation de 5,9 %.
Comme on peut le voir, les chiffres prodigieux réalisés par Tesla dans le passé sont en train de diminuer. En 2024, le groupe, basé à Austin, au Texas, a vendu un peu moins de 1,8 million de voitures, contre les 2 millions prévus. Le chiffre d’affaires du segment automobile a chuté de 5 milliards, passant de 82 milliards en 2023 à 77 milliards. Et l’année 2025 n’a pas du tout bien commencé.
L’effondrement des ventes
Tesla a subi un effondrement des ventes dans de nombreux pays européens : en février, les livraisons en Allemagne ont chuté de 76 %, en France de 45 % et en Italie de 54 %. Cela s’explique également par une certaine ostracisme politico-idéologique des Européens envers les positions extrémistes de Musk sur de nombreuses questions sensibles. Mais la Chine trahit également le magnat. Sur le marché chinois, Tesla a perdu des parts de marché, tombant à seulement 5 % avec une baisse de 49 % des ventes à la fin du mois de février.
Et c’est précisément en Chine, mais pas seulement, que BYD prend d’assaut le marché. L’entreprise chinoise a dépassé Tesla en termes de ventes mondiales l’année dernière et détient désormais une part de 15 % sur le seul marché du géant asiatique. Ainsi, la position de rente monopolistique dont Tesla a bénéficié pendant une décennie est en train de s’effriter. BYD, justement, reproduit le parcours suivi par Tesla dans le passé. Les estimations consensuelles prévoient que l’entreprise de Shenzhen réalisera un chiffre d’affaires de plus de 105 milliards de dollars, soit cinq fois plus qu’il y a cinq ans. Byd affiche aujourd’hui une marge d’exploitation proche de 7 %, un niveau désormais proche de celui de Tesla.
La phase de maturité
En effet, le géant américain est entré dans une sorte de phase de maturité, où la croissance tend à ralentir. Ce qui soutient les comptes et pousse encore la rentabilité plus que l’automobile, c’est désormais le secteur du stockage d’énergie, qui génère des revenus de 10 milliards, en forte croissance d’année en année. L’autre atout de Musk est la frontière de la conduite autonome : les fameux robots taxis annoncés à plusieurs reprises mais pas encore sur le marché.
Les réglementations en matière de sécurité pèsent, non seulement au niveau fédéral mais aussi au niveau des États américains, qui ne sont pas encore convaincus, compte tenu des nombreux accidents survenus lors des essais. Un nouveau marché qui pourrait redynamiser le groupe. Mais même si c’était le cas, les évaluations boursières qui font frémir restent en arrière-plan.
Les multiples boursiers
Malgré la forte chute des trois derniers mois, le rapport cours/bénéfice est 100 fois supérieur ; le rapport cours/chiffre d’affaires est supérieur à sept fois, tout comme la bourse attribue à Tesla une valeur de 10 fois supérieur à la valeur de son patrimoine. À titre de comparaison, Toyota, dont la rentabilité est aujourd’hui supérieure à celle de Tesla, vaut 7,3 fois ses bénéfices, 1,3 fois son chiffre d’affaires et une fois seulement sa valeur nette.
Mercedes Benz vaut 7 fois ses bénéfices et un peu plus que sa valeur nette. Un groupe européen comme Renault, qui réalise un chiffre d’affaires de 56 milliards d’euros et a généré un bénéfice net d’un peu plus de 2,2 milliards d’euros, ne vaut que 13,2 milliards d’euros en bourse. Moins de 2 % de la valeur que Wall Street s’obstine à attribuer à Tesla.
En fait, avec ses 770 milliards de dollars de valeur de marché, Tesla est évalué plus de trois fois plus que Toyota et dépasse la valeur cumulée des groupes américains et européens réunis. Il est inutile de se demander à quel point l’écart était important lorsque, au lendemain des élections américaines du 5 novembre, le titre avait mis le turbo, atteignant une valeur de plus de 1 200 milliards de dollars. Il y a bien sûr une sorte de prime immatérielle au destin de Tesla. Et cette prime est politique.
Le rôle de premier plan que l’entrepreneur volcanique s’est taillé aux côtés de Trump a son importance dans le choix des investisseurs de monter dans le train de Tesla. Même si cela peut avoir des effets controversés, comme par exemple la désaffection européenne récemment manifestée à l’égard des véhicules produits par le milliardaire. Et de toute façon, l’air de fuite contamine même ses plus proches collaborateurs. Il y a quelques jours, on a appris que James Rupert Murdoch, le roi des médias australiens et membre du conseil d’administration de Tesla depuis 2017, avait vendu pour 13 millions de dollars d’actions issues du plan de stock-options. Il vend avant qu’il ne soit trop tard…