Le développement des deux segments du marché financier dans une logique véritablement européenne qui surmonte les barrières réglementaires, de supervision et opérationnelles permanentes est une priorité absolue. Dans ce contexte, les opérations de titrisation représentent l’instrument de connexion entre le marché du crédit et le marché des capitaux.
Le marché de la titrisation en Europe
Les titrisations permettent de transformer des prêts non fongibles (ou les flux de trésorerie qui en résultent) en titres négociables, de libérer des actifs dans les bilans des banques, ce qui permet à ces dernières d’accorder de nouveaux prêts aux entreprises, et de rendre de nouvelles classes d’actifs accessibles aux investisseurs en élargissant les possibilités d’investissement.
Le marché de la titrisation en Europe ne s’est jamais remis de l’opprobre née lors de la grande crise financière, qui a effectivement éclaté aux États-Unis à la suite de la titrisation de prêts hypothécaires à haut risque (dits “subprimes“) et s’est amplifiée avec des effets systémiques mondiaux en raison des structures financières complexes construites en aval des opérations de titrisation initiales. Plus de 15 ans après le début de la crise, le marché de la titrisation aux États-Unis a renoué avec la croissance, si bien qu’en 2023, le marché européen représentera environ 17 % de la taille du marché américain (en 2008, ce chiffre était de 75 %).
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Comment et pourquoi relancer la titrisation ?
La réalisation d’un marché financier européen efficace, liquide et capable de répondre aux besoins de financement de l’économie européenne passe également par une relance du marché de la titrisation. Dans ce sens, trois propositions peuvent être faites pour être mises en œuvre à court et moyen terme.
Un cadre réglementaire prudentiel
Tout d’abord, un cadre réglementaire prudentiel plus équilibré est nécessaire pour les titrisations traditionnelles et synthétiques (c’est-à-dire actuellement la titrisation la plus utilisée pour les prêts aux PME). En particulier, le facteur de pondération du risque minimum pour les tranches seniors (pour les titrisations Sts et non Sts) devrait être réduit dans la formule déterminant l’exigence de fonds propres.
Le récent paquet bancaire prévoit des mesures transitoires et un mandat à l’Autorité bancaire européenne (ABE) et à l’Autorité européenne des marchés financiers (Esma) pour une révision complète du cadre d’ici 2026, ce qui est trop éloigné par rapport à la nécessité de relancer le marché de la titrisation.
En outre, le processus utilisé par les autorités de surveillance pour évaluer s’il y a eu un transfert significatif de risque hors du bilan de la banque par le biais de l’opération de titrisation est trop complexe, crée une charge importante et doit être rationalisé pour le rendre plus simple et plus prévisible pour les participants au marché.
Révision de l’inclusion des titres dans la LCR
Le traitement des titres titrisés pour leur inclusion dans le Liquidity Coverage Ratio (Lcr) des banques, qui est actuellement pénalisant et ne reflète pas les caractéristiques réelles des titrisations bien notées, devrait également être revu, de même que les obligations d’information de l’Esma. La nouvelle législature européenne devrait donc lancer une procédure accélérée de modification de la réglementation afin de revoir le contenu du Lcr et d’autres réglementations relatives à la titrisation.
Afin d’accroître l’attrait des tranches seniors des transactions de titrisation pour les investisseurs de détail, un système européen d’octroi de garanties publiques sur cette composante de la transaction pourrait être défini.
Une agence de titrisation
Enfin, toujours en s’inspirant de l’expérience américaine et dans un souci de compétitivité du marché financier européen, on pourrait peser le pour et le contre de la création d’une agence européenne chargée de faciliter les titrisations bancaires sur le modèle de ce que font aujourd’hui les deux agences américaines Fannie Mae et Freddie Mac. De ce point de vue, on pourrait imaginer, sans engager de moyens supplémentaires, d’utiliser une partie des moyens considérables dont dispose le Mécanisme européen de stabilité.
Les titrisations émises par l’Agence européenne, qui bénéficieraient certainement de la notation la plus élevée, pourraient également représenter – en attendant qu’un titre de créance européen commun voie le jour – l’actif sans risque qui pourrait constituer la référence pour la fixation du prix des titres européens.