La Chine vient d’approuver la construction d’un méga-barrage hydroélectrique sur le fleuve Yarlung Tsangpo au Tibet. Ce projet pharaonique, estimé à plus de 125 milliards d’euros, deviendra le plus grand ouvrage hydroélectrique jamais construit, dépassant largement les capacités du barrage des Trois-Gorges. Cette annonce soulève de vives inquiétudes en Inde et au Bangladesh, pays traversés par ce fleuve vital pour près d’un milliard d’habitants.

Un projet titanesque au cœur de l’Himalaya

Le fleuve Yarlung Tsangpo, surnommé “l’Everest des rivières”, serpente à travers le plateau tibétain avant de former le canyon le plus profond du monde. Avec une profondeur vertigineuse de 7 667 mètres, ce canyon dépasse largement les dimensions du célèbre Grand Canyon du Colorado. Les conditions extrêmes de navigation et la topographie unique du site en font l’un des défis d’ingénierie les plus ambitieux du XXIe siècle.

Ce nouveau barrage, prévu sur le cours inférieur du fleuve, établira un record mondial de production hydroélectrique avec une capacité annuelle de 300 milliards de kilowattheures. Pour mettre cette puissance en perspective, elle représente trois fois la production du barrage des Trois-Gorges, actuellement le plus grand au monde. Les ingénieurs chinois prévoient d’exploiter la différence d’altitude spectaculaire du canyon pour maximiser la puissance générée.

Les enjeux stratégiques et environnementaux

Le gouvernement chinois présente ce projet comme une avancée majeure dans sa stratégie de neutralité carbone. Le pays, qui possède déjà la plus grande capacité hydroélectrique mondiale avec 425 gigawatts, cherche à réduire sa dépendance au charbon qui représente encore 60% de sa production électrique. L’année 2024 marque un tournant dans cette transition énergétique avec le lancement de plusieurs projets hydroélectriques majeurs.

Les scientifiques alertent sur plusieurs impacts environnementaux majeurs :

  • La modification irréversible des écosystèmes du plateau tibétain, zones abritant des espèces endémiques rares
  • Le bouleversement des cycles migratoires de nombreuses espèces aquatiques
  • La transformation du régime hydraulique naturel du fleuve
  • L’augmentation des risques sismiques dans une région déjà instable

Un projet qui cristallise les tensions géopolitiques

La construction de ce barrage s’inscrit dans une stratégie plus large de contrôle des ressources hydriques par Pékin. Le Yarlung Tsangpo devient Brahmaputra en entrant en Inde, où il constitue une artère vitale pour des millions d’habitants. La dimension du projet soulève des questions diplomatiques majeures entre les deux puissances asiatiques.

Les experts internationaux pointent plusieurs risques à long terme :

  • La modification du débit naturel du fleuve affectant l’agriculture traditionnelle
  • L’impact sur la biodiversité unique du corridor himalayen
  • Les conséquences sur la pêche artisanale dans le delta du Brahmapoutre
  • Le contrôle stratégique des ressources en eau par la Chine

Les défis techniques et financiers

Avec un investissement colossal de 125 milliards d’euros, ce méga-barrage représente le plus grand projet d’infrastructure unique au monde. La complexité technique du chantier nécessite le développement de nouvelles technologies de construction en haute altitude. Les ingénieurs devront relever des défis inédits liés aux conditions climatiques extrêmes et à l’accessibilité limitée du site.

Le secteur hydroélectrique chinois fait face à des obstacles croissants. Les sécheresses historiques de 2022 et 2023 ont démontré la vulnérabilité de cette source d’énergie aux changements climatiques. La production hydroélectrique du pays connaît un déclin depuis septembre, forçant un retour partiel aux énergies fossiles. Les autorités chinoises misent sur les innovations technologiques pour adapter leurs infrastructures aux nouvelles réalités climatiques.

Cette réalisation titanesque au cœur de l’Himalaya marque un tournant dans l’histoire des grands ouvrages hydrauliques, redessinant la carte énergétique et géopolitique de l’Asie pour les décennies à venir. L’achèvement prévu en 2035 transformera définitivement l’équilibre des forces dans la région, plaçant la Chine dans une position dominante sur le contrôle des ressources hydriques himalayennes.